post de verdaniel
Le 19 octobre 1918, la division de cavalerie opérait dans les environs d’Oedelem, à 7 kilomètres au - sud est de Bruges. Comme durant la guerre de tranchées, nos cavaliers combattaient à pied ; pourtant, l’espace était libre, les chevaux suivaient à courte distance... Qu’il eût fait bon de charger !
Le jour était à son déclin, nos tirailleurs avaient repoussé les arrière-gardes allemandes qui s’installèrent dans le petit bois de Kattine et, semblaient décidé à défendre cette position. Plusieurs lignes de mitrailleuses étaient en action et forçaient nos hommes à se terrer. A 16h30, le Major Van Strydonck, commandant le 2ème groupe du 1er Guides reçoit un ordre de l’Etat-Major « Franchir par un coup de force à cheval les lignes de mitrailleuses à hauteur de Burkel, se rabattre et prendre l’ennemi à revers, deux auto-mitrailleuses précéderont la colonne. ».
Le rêve de tout cavalier : la charge ! allait - il se réaliser ? L' ordre est précis, il se répand, un murmure l'accompagne. Les hommes s’agitent , les yeux resplendissent de joie, déjà les mains se crispent sur la garde des sabres à larges coquilles d'acier.
Parmi eux un jeune adjudant, au visage plein de douceur. Il va, vient, inspecte ses hommes ,caresse son cheval, regarde la route sur laquelle il va bientôt bondir. La charge ! le plein galop, sabre au clair ! Toutes les aspirations de son ardeur juvénile vont se réaliser...
Mais le temps presse, déjà les brumes du soir estompent les lointains.Un bruit de moteur, toutes carapaçonnées d'acier, les deux auto-mitrailleuses , longent la colonne. Devant Kattine, la fusillade fait rage. Nos lignes de tirailleurs attirent l’attention de l’ennemi, Que les batteries d' accompagnement arrosent d' obus.
Bride abattue, un cavalier accourt : Mon major c'est l'heure. Le capitaine commandant F. de Meeus, adjudant-Major du 1er Guides, apportait l'ordre d'attaque.
Le Major Van Strydonck se dresse sur ses étriers et d’un geste large tire son sabre, un bruit de ferrailles passe en l’air, strié de blanches étincelles. Puis serrant les mains du commandant : « Au revoir, Meeus » Pour un cavalier, pour un Meeus, la tentation est trop forte, « Mon Major, je me permets de revendiquer l’insigne honneur de charger à vos côtés. ».
Soit...
Automatiquement, sabre au poing, visage grave, menaçante, la masse s'ébranle et s’enfonce au pas dans la grisaille du soir. Dans les intervalles de la fusillade, on perçoit le souffle ardent des chevaux qui, l'oreilles dressées, les narines ouvertes sentent eux aussi l’approche de la bataille. Le jeune adjudant, caressant l'encolure de son cheval, est en tête de la colonne. Sa douce figure s’est contractée, sa bouche se plisse en un sourire hautain, ses yeux sont rivés sur l’horizon....vers l’ennemi.....vers la bataille.
L’espace couvert est franchi, la colonne prend le trot. Au frappement alternatif des sabots sur le pavé de la route, se mêlent le froissement des cuirs, le cliquetis des sabres... Un grand souffle farouche plane sur cette marée d'hommes qui s'avance semblable à un bélier de bronze;
Subitement, dans les brumes mauves du soir, apparaissent les lisières du bois de Kattine. Brusquement le chef lève son sabre : « En avant, mes enfants....pour le Roi ! ». Et dans cette atmosphère de bataille où ricanent les balles et miaulent les obus, une clameur immense s’élève : « Hourra ! Vive le Roi !... ». Comme un ressort bandé qui se détend subitement, la colonne prend le galop. Une longue file de bras brandissant des sabres s'agite, les cris redoublent, le galop s'allonge, se précipite. C’est la charge avec son frisson d’épopée. La première ligne de mitrailleuses ennemies est dépassée, la course continue vers le deuxième bois qui cache Burkel.
Là, les fusiliers-marins allemands de la 4ème compagnie, blêmes de terreur,voient bondir vers eux ce torrent qui mugit....En joue ! ! !. Les deux chefs couchés sur l’encolure de leur coursier, accélèrent encore l’allure. Tout à coup le bois s’allume d’éclairs rougeoyants, les chevaux de tête s’écroulent , le commandant de Meeus, frappé à mort, disparait dans l'affeux tourbillon...
Le petit adjudant, transfiguré, radieux, d’un bond prit la place du chef tombé. Et le soldat de vingt ans et l'officier à cheveux gris, côte à côte, sabre baissé, vers les Allemands. Une nouvelle décharge crépite des maisons de Burkel, les chevaux se cabrent, piétinent, bondissent au - dessus des fossés...écrasant des corps. L’auto-mitrailleuse est bloquée en travers de la route. " Pied à terre" Les cavaliers lâchant leur sabre, empoignent leur carabine; en tirailleurs, sous bois, harcèlent l’ennemi décontenancé par ce brusque changement de combat.
17 heures...le feu cesse... l'Allemand est en fuite.
La nuit enveloppe le contour des choses, une buée laiteuse se lève de terre, de-ci de-là un coup de feu...un cri...un râle. Les unités reformées dans les bois, procèdent à l’appel : Adjudant Van der Cruycen ?. Une voix grave répond : « Mort au Champ d’Honneur. ».
La charge de Burkel, fut en Belgique, un fait unique dans l’histoire de la grande Guerre, et montra aux destructeurs des Régiments de Cavalerie , que employée à bon escient , la cavalerie pouvait encore faire très mal.)
Suite à la victoire héroïque de Burkel, une route est ouverte, le deuxième groupe du 2ème Guides commandé par le Colonel Baron du Roy de Blicquy continue l’avancée , pas de repos, à l’orée de la ville, le groupe mit pied à terre, et dans un terrible combat , face à un ennemi déjà installé, reprend Maldeghem de l’occupation allemande.