Le temps pendant lequel le 145e Régiment d'Infanterie aura contribué à la défense de Maubeuge se divise en deux périodes :
-pendant la première période, qui s'étend du premier jour de la mobilisation au 23 août, il assure l'entraînement et l'instruction de ses réservistes, complète son organisation et concourt aux travaux de défense
-la seconde va du 23 août, date de l'investissement de la Place, jusqu'à la reddition de celle-ci : c'est la période des opérations.
La bataille et le siège de MaubeugeMaubeuge est une garnison militaire délimitée par une enceinte fortifiée construite par Vauban.
Le 15 août on apprend que les Allemands se sont emparé de la ville de Dinant. Ils continuent de progresser en Belgique: ils entrent à Louvain, à Bruxelles et ils semblent bien se diriger Maubeuge et Lille.
Le gouverneur de la place de Maubeuge fait apposer des affiches adressées à la population demandant de quitter la ville, en prévision d'un siège. Environ 25000 personnes quittent la ville en quelques jours mais beaucoup revinrent aussitôt, ne savant pas où aller.
Les troupes alliées battent en retraite le 23 au soir sur le front de Mons-Charleroi.
Maubeuge est maintenant presque isolée; nos armées de campagne, battues, se retirent vers le sud ouest.
Le général Fournier, commandant la place, réfère défendre la place avec les 145e RI, 345e RIR, 31e et 32RIC plutot que de battre en retraite avec le reste de la 5e armée.
Il se décide donc à résister jusqu'au bout, coûte que coûte.
Les Allemands poursuivèrent leur marche en avant sans se laisser retarder par Maubeuge et ils laissèrent seulement en arrière un corps de siège de 40000 hommes environ, sous les ordres du général Zwehl.
Les Allemands se tiennent d'abord assez loin de Maubeuge; ils se contentent de couvrir le déploiement de leur artillerie lourde. Les détachements ennemis s'étendent tout autour du camp retranché français, précédés de cavalerie, et coupent peu à peu les communications de Maubeuge avec l'extérieur; ils s'établissent ensuite en observation, face à la ville.
Le général Fournier, sur l'ordre du général Joffre et du général Lanrezac (commandant la 5e armée), prescrit la destruction des voies ferrées, en vue d'entraver le ravitaillement des armées ennemies.
Du 24 au 28 aout organisent des sorties de reconnaissance et des patrouilles.
le 25 a lieu une première reconnaissance au nord de Maubeuge vers Quévy et Havay où toute la réserve générale participe: dans un de ces combats, le prince de Saxe Meiningen est mortellement blessé par un cavalier du 6e chasseurs à cheval.
le 26 août, une nouvelle sortie a lieu sur La Longueville. Seuls, le 145e régiment d'infanterie, deux batteries de 75 et un escadron y prennent part.
L'artillerie de la place forte tire un peu a l'aveugle et dévoile ainsi les positions de nos batteries.
Brusquement, le 29 août, à 13 heures, le bombardement se déclenche : les obus tombent sans interruption sur Le Boussois, le Fagnet, La Salmagne et Bersillies.
Il est nécessaire de signaler que les Allemands disposent, à l'intérieur de la Place, de tout un système d'espionnage ; ce dernier va leur fournir les plus précieux renseignements, et leur permettre de diriger leur tir sur les objectifs principaux.
Le 31 août le gouverneur organise une grosse sortie pour tenter la destruction des batteries allemandes mais c'est un échec et le bombardement continue.
A partir du 2 septembre l'infanterie allemande s'approche des ouvrages fortifiés de La Salmagne et du Fagnet mais sont reçu par la résistance française et l'artillerie allemande fait plier les défenseurs.
Au fort des Sarts, dans la matinée du 4, la garnison a fait bonne contenance sous un bombardement de 150 mais à partir de 13h30, des 420 arrivent sur l'ouvrage, percent les minces revêtements de terre argileuse, épais de 0.5 m seulement, défoncent les casemates. Vers 15 heures, la majeure partie de la garnison évacue précipitamment l'ouvrage et s'éloigne dans la direction de Maubeuge.
Le soir, le fort est abandonné par ses derniers occupants.
Nos soldats continuent à tenir dans le reste du point d'appui des Sarts.
Le personnel de nombreuses batteries abandonne ses pièces sur le terrain sans les détruire, faute d'explosifs : on se contente d'emporter les culasses.
L'ennemi occupe l'ouvrage du Fagnet, dont la garnison s'est retirée un peu rapidement.
Par contre, la résistance est très vive au point d'appui de La Salmagne.
Dans l'ouvrage principal, le capitaine Eliet lutte désespérément pour arrêter l'adversaire qui débouche de Vieux Reng et de Grand Reng; il réussit à briser sur son front les assauts des Allemands. Mais ces derniers parviennent à s'installer dans la ferme de la Salmagne.
Plus au sud, contre Le Boussois, tous les efforts sont vains
Le 5 septembre le bombardement continue avec la même violence; le colonel Viard, qui commande le centre de résistance de Bersillies La Salmagne, se voit contraint d'en prescrire l'évacuation : il ne maintient ses troupes que dans l'ouvrage de La Salmagne.
A 16 heures, les Allemands s'installent dans Bersillies abandonné, puis ils passent à l'attaque de l'ouvrage de la Salmagne qu'ils encerclent complètement.
Le capitaine Éliet veut lutter encore mais ses soldats tombent les uns après les autres. Enfin l'ennemi donne l'assaut et s'empare de la position
il ne reste plus que 51 hommes valides dans l'ouvrage.
Dans la vallée de la Sambre, le fort du Boussois tient toujours. Il barre aux Allemands la route de Jeumont à Maubeuge. Au sud de la Sambre, les batteries de Rocq sont écrasées par les obus de gros calibre.
Au soir du 5 septembre, la plus grande partie de la zone principale du secteur n° 4 est tombée aux mains des Allemands. Le général Ville organise la défense de la position de soutien Elesme Mairieux. En arrière, il rallie toutes les troupes qui évacuent la position principale ; il porte à Asseyent le 31e colonial qui vient relever le 145e épuisé. Ce dernier est ensuite placé en troisième ligne, à Pont Allant.
En raison du bombardement, qui redouble sur la ville, le maire de Maubeuge a obtenu du général Fournier l'autorisation de diriger la population civile sur Hautmont.
Jusqu'ici, le fort du Boussois a tenu, grâce à l'énergie de son commandant, le capitaine Thabar. Mais le bombardement a brisé les nerfs d'une partie de la garnison.
Au matin du 6 septembre sur la rive sud de la Sambre, l'ennemi venant du nord prend pied dans Recquignies; il déborde par l'ouest les batteries de Rocq : la garnison, déjà menacée de front, doit se replier,sous peine d'être encerclée ; elle n'a que le temps de faire saute:la poudrière pour ne pas laisser ses stocks de munitions tomber aux mains de l'ennemi.
Mais le bombardement redouble : à midi, le fort de Cerfontaine est évacué ; la seconde position française s'écroule. Le colonel de la Motte s'accroche à la ligne de la Solre, en couvrant son flanc gauche par la Sambre, en appuyant son flanc droit à l'ouvrage de Ferriére. A la faveur du crépuscule, il rassemble ses unités éparses,pour tenter de combattre encore.
Au nord de la Sambre, le général Ville, après la perte de la ligne Mairieux‑Élesmes, a essayé vainement de se rétablir sur la position Centre des Saris‑Grand‑Camp‑Perdu‑Petit‑Camp‑Perdu.
Ses bataillons semblent à bout de résistance : il rompt délibérément le contact pour tenter de remettre un peu d'ordre parmi ses troupes dés qu'elles ne seront plus aux prises avec les Allemands. Il occupe une position qui s'étend du carrefour de Mons, par le hameau et le bois des Sarts, jusqu'à l'ouvrage d'Héronfontaine.
La ville de Maubeuge est maintenant sur la ligne de feu et l'ennemi l'arrose d'obus. Des vagues de civils et de soldats fuyant leur devoir fuient vers Hautmont.
La fin de Maubeuge est proche mais le général Fournier ne peut se résoudre à capituler.
Il prend tout de même ses précautions avant la chute de Maubeuge, fait détruire les archives, fait sauter l'arsenal de Falize qui ébranle le sol à 3 km à la ronde.
Durant la nuit du 6 au 7 septembre:
La réserve générale, rassemblée à l'ouest de la route de Leveau à Maubeuge, est réduite à six compagnies du 145°, cinq du 345°. Elle attend l'attaque d'infanterie qui va sans doute se renouveler au point du jour.
Les deux batteries restantes de 75 sont prêtes à intervenir.
Soudain, le 7, à 5 heures, les 305 et les 420 s'abattent sur l'ouvrage d'Héronfontaine. Le tir dure jusqu'à 11 heures, moment où Héronfontaine est évacué. L'infanterie allemande s'infiltre par tous les plis du terrain; elle pénètre dans le bois des Sarts, prend à revers les défenseurs de l'ouvrage : les Français doivent se retirer vers l'ouest. Les gros canons des assiégeants concentrent maintenant leurs feux sur le fort Leveau.
Une demi heure de bombardement suffit pour ruiner la position et obliger nos soldats à l'évacuer.
D'autres obus de moyen calibre tombent sur le front de bataille du général Ville; la plus grande partie de notre artillerie est mise hors de cause; la gauche de la ligne fléchit ; la garnison de l'ouvrage du chemin de fer de Mons, bat en retraite.
Le général Ville a son centre entièrement découvert. Il voit avec angoisse s'approcher le moment critique de l'assaut allemand.
Sur la rive droite de la Sambre, la situation n'est pas moins grave : l'ennemi a amené vers Asseyent des 305 autrichiens qui prennent à revers l'ouvrage de Ferriére et le fort du Bourdiau. Ces positions deviennent intenables; la droite du colonel de La Motte, en arrière de la ligne de la Solre, est ébranlée: bientôt l'infanterie allemande va pouvoir passer à l'attaque.
L' infanterie est diminuée de moitié, il n'y a plus d'artillerie pour la soutenir, le moral du soldat est brisé, tous les forts (a l'exception d'Hautmont) sont successivement écrasés.
Le commandant du noyau central considère la chute de Maubeuge comme certaine dans la journée.
Maubeuge capitule au soir du 7 septembre.
Le lendemain 8 septembre, à partir de midi, de longues colonnes françaises sortent de Maubeuge par la Porte de Mons. Sans armes, ces soldats défilent devant les Allemands et devant le général Fournier qui se tient un peu à l'écart : silencieusement, chacun salue en passant le chef infortuné.
Beaucoup des nôtres se retournent encore : Ils veulent apercevoir une dernière fois la ville qu'ils n'ont pu sauver ; puis ils continuent leur marche douloureuse vers le nord, vers la Belgique, vers les prisons d'Allemagne qui se refermeront sur eux durant plus de quatre années.
le 145e RI le 7 septembre 1914, date de la capture de Léon Lefebvre:
Les compagnies disponibles du Régiment sont établies sur la ligne FAUBOURG ST-GHISLAIN-LEVEAU, encadrées par l'infanterie coloniale qui occupe le CIMETIERE DE MAUBEUGE et le 345e à l'OUVRAGE.
A midi, les 7e et 8e compagnies, qui s'étaient repliées la veille sur HAUTMONT, en suivant le 3e bataillon, sont rappelées par le Colonel et placées entre le CORPS DE PLACE et la route de VALENCIENNES.
A cette même heure le drapeau blanc apparaît au-dessus de l'église. Une heure après, l'ordre suivant est reçu : "Le Général Gouverneur va engager les pourparlers avec l'ennemi. Prière de donner les ordres nécessaires pour suspendre toute attaque jusqu'à nouvel ordre".
Le bombardement n'en continue pas moins jusqu'à 18 heures.
A partir de ce moment, aucun ordre ne parviendra plus au régiment.
A 17 heures, les Allemands ont débordé le 145e par le sud-ouest.
Le Colonel prescrit de se replier par la ROUTE DE VALENCIENNES.
L'ordre ne peut être exécuté ; le 1er bataillon est déjà en contact avec des officiers allemands.
Le Colonel se retire avec l'Etat-Major de son régiment et les 7e et 8e compagnies, seules unités qui restent disponibles. Ces derniers éléments du Régiment doivent se rendre à leur tour dans la matinée du 8 septembre.
Quant au bataillon CHAILLOT, après avoir tenté inutilement, dans la matinée du 7, un retour offensif vers l'Ouest, dans la direction de FEIGNIES, il se disloque et son chef disparaît dans la journée.
Source pour l'historique du 145eRI et la bataille de Maubeuge :
http://chtimiste.com/