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TurpiniteCela me taraudait depuis un certain temps de créer une fiche comparative d'obus de 37 mm.
Dans la continuité de mon travail sur les munitions, je vous propose donc une petite étude rapide d'une munition type, très connue.
Il s'agit de la cartouche à obus ordinaire de 37 mm Mle 1888M
Nous avons prix comme référence l'obus chargé de 22g de poudre F3 et la douille chargée de 33,5g de poudre BR.
Ce genre de munition se rencontre régulièrement en bourse, vide-grenier, échanges, bref un peu partout tellement, elle est courante.
Régulièrement nous voyons des "posts" qui nous demandent une identification, un avis sur la neutralisation de la bête.
Il est temps aujourd'hui de mettre un peu d'ordre dans tout cela, car on peut lire sur le Net, tout et n'importe quoi.
En effet, on peut lire ici et là que l'on peut vérifier la neutralité d'une munition en la pesant !
Rien n'est plus faux, et cette étude est là pour vous prouver le contraire.
Nous allons vérifier ensemble certains points.
Déjà, dans un premier temps, lorsque l'on achète une cartouche, on doit impérativement vérifier avant l'achat que tout se sépare parfaitement.
Donc le cas précis que nous évoquons ici, la cartouche est composée d'une douille, d'un obus et d'une fusée de tête, qui doivent obligatoirement se séparer facilement.
Rejetez toutes munitions dont la fusée ne se dévisse pas; où il est impossible de séparer le projectile de la douille.
Méfiez vous des munitions dont les ceintures sont rayées; cela prouve qu'ils ont été tirés. La fusée Desmarest est très sensible, le moindre choc peut la faire fonctionner. Donc si la fusée ne se dévisse pas, rejetez !
Vérifiez l'intérieur de l'obus avec une torche, qu'il est bien vide et qu'il ne reste pas de particules ou de dépôt.
N'écoutez pas le vendeur (margoulin) qui immédiatement va vous dire que c'est neutra. Faites mine de laisser tomber la munition sur la fusée, vous verrez sa réaction !
N'écoutez pas ceux qui vous disent qu'en pesant l'ensemble ou une partie, vous aurez la réponse quant à sa neutralisation.
Il faut mieux se faire mal psychologiquement en laissant passer une belle pièce que corporellement.
Voici maintenant l'étude en question, vous allez pouvoir vérifier que la réalité est bien loin de la théorie et que tout ce que l'on peut vous dire est pure fiction.
L'étude a été effectuée avec sept cartouches en parfait état.
Les manuels, tables de construction, etc. donnent tous des chiffres différents, exemple la société Hotchkiss donne comme poids 122g pour la douille vide.
J'ai donc pesé sept douilles, voici les poids :
156g; 163g; 157g; 160g; 158g; 158g; 161g.
Nous sommes donc bien loin des 122g d'Hotchkiss.
Cette douille est chargée avec 80,5g de poudre noire R; ou 33,5g de poudre B.R.; ou encore 3,75g de Balistite.
Avec la différence énorme de poids entre la réalité et la théorie, bien malin celui qui pourra dire sans avoir vu l'intérieur de la douille, qu'elle est vide !!
L'obus.
J'ai pesé sept obus Mle 1888M totalement identique, même état et complet.
Même topo, dans la théorie on annonce un poids de 455g. (obus avec fusée et charge).
454g; 469g; 458g; 448g; 454g; 475g; 456g.
Donc là encore, malgré que les poids soient très proches, il est aléatoire de déterminer la neutralité de l'engin par le poids.
Les tables et manuels donnent pour la cartouche des poids de 625g jusqu'à 660g.
Voici le poids des cartouches vides suivis du poids avec les charges.
588 / 643.5g ; 610 / 665,5g ; 596 / 648,5g ; 586 / 641,5g ; 590 / 645,5g ; 611 / 666,5g ; 595 / 650,5g.
Là encore, vous vous rendez compte sur sept cartouches de la différence énorme des poids.
Pourquoi une telle différence ?
Cela provient naturellement de la fabrication.
Si les poids des douilles diffèrent de quelques grammes, ceux des obus ont des différences notoires qui s’expliquent par la différence d'usinage du culot de l'obus.
Vous pouvez rencontrer un obus dont le culot a été usiné et la talon de coulée arasé, il s'git d'une construction d'avant guerre.
Ce qui aura pour effet de créer encore une plus grande différence entre la théorie et la réalité.
Les mesures qui ont été prises ici, ont été faites sur des obus de construction "période de guerre", tous donc, avec des talons de coulée.
Il va de soit que l'arasement partiel de ceux-ci a joué un rôle, comme l'usinage du culot, dans le poids des projectiles.
Donc, quand vous avez un obus que ne pouvez pas séparer de la douille, vous ne pouvez pas vérifier s'il y a un talon ou non.
De plus, il a existé des obus traceur Mle 1888M en tout point identique au modèle explosif. la seule différence résultant en la présence d'un traceur de culot.
Cet obus est explosif puisque la charge de poudre F3 a été réduite à 17g, pour laisser de la place au traceur. Ce traceur de culot permet de suivre jusqu'à une distance 1500 mètres la trajectoire de l'obus.
Le talon de coulée est ce qui reste de la coulée de l'obus en fonte.
Il est ensuite percé d'un léger trou, pour le tournage.
Ce talon de coulée atteste d'une fabrication pendant la première guerre.
On peut faire la différence entre un obus relégué aux exercices avec un obus de combat.
En effet, ce dernier a son talon proprement réduit, alors que ceux d'exercice sont d'une finition plus aléatoire.
Avec la guerre, on a abandonné l'arasement total du talon pour gagner du temps, comme pour certains marquages qui disparaissent lors des fabrications de guerre, justement pour gagner du temps.
Voici les culot des septs obus testés.
Je voudrais également attirer votre attention sur une douille non percutée.
Même s'il faudra un choc important ou un échauffement très important pour la faire exploser, il faut quand même rester prudent et s'assurer que l'objet ne puisse pas chuter sur le culot de la douille, l'enlever de la portée des enfants, etc.
Voici quelques explications concernant l'amorce et l'effet d'un allumage de celle-ci.
L'amorce est constituée de poudre F3 comprimée, logée dans un godet porte amorce en laiton et enfermé dans une coupelle de cuivre rouge.
La charge est de 1,5g.
Au fond, la douille est percée de deux petits trous de communication du feu.
On voit parfaitement lorsque le porte amorce est enlevé, qu'il y a communication avec l'intérieur de la douille.
Maintenant voilà ce que donne un allumage d'amorce.
Combustion immédiate et rapide (1 seconde).
Autant dire que l'on n'a pas le temps de réagir.
De plus, après la combustion, la base et le milieu étaient très chauds à la limite du supportable.
Alors imaginez une amorce plus importante comme il en existe sur d'autres types de munitions.
Maintenant, il faut un choc violent sur le porte-amorce ou une température extrêmement élevée pour enflammer l'amorce.
Donc je dirais qu'à moins de taper dessus, qu'elle chute par malchance sur l'amorce, un démontage pour voir comment c'est fait, un échauffement à haute température, il n'y a pas de risque majeur à conserver une douille non percutée.
Si l'on devait ne garder que ce qui a été percuté, Il faudrait retirer la quasi totalité des douilles qui sont en collection et en vente.
Voilà, en espérant que cette étude ouvrira les yeux à certains et permettra aux futurs acquéreurs de ce type de munition, de faire un peu plus attention.
Et n'oubliez pas ceci :
La munition n'a ni amis, ni ennemis, elle ne connait que des victimes !